L’achat de vêtements labelisés fairtrade bénéficie directement aux agriculteurs de coton, dont ceux du village de Bhajiguda, situé dans l’état de l’Odisha en Inde, une région connue pour ses records de températures.
En 5 ans, un groupe de femmes est parvenu à générer de nouvelles activités économiques, inversant la dynamique d’exode rural au sein de leur village. Leur nom, yellow gang, fait référence aux saris jaunes, achetés suite à leurs premiers succès économiques. Elles les portent désormais fièrement, en symbole de leur force. A travers les yeux d’une de ces femmes, Fulma, ce reportage permet de mieux comprendre les défis d’une communauté d’agriculteurs de coton biologique.
L’Inde compte parmi les 5 plus grands exportateurs mondiaux de coton, la fibre naturelle la plus utilisée dans l’habillement. Pratima est une coopérative paysanne, partenaire d’Oxfam. Elle rassemble 3679 fermiers.
Notre rôle est de renforcer les paysans indiens pour qu’ils puissent faire leurs propres choix et prendre une position de leaders
Pravakar, directeur des programmes chez Pratima.
Patti, coordinateur de projets chez Pratima, se souvient de sa première visite dans le village de Bhajiguda, situé dans l’une des régions les plus chaudes de l’Inde, en Odisha : “il n’y avait que quelques personnes âgées livrées à elles-mêmes. C’était désolant”.
Pendant la saison sèche qui s’étend de mars à juin, il peut faire jusqu’à 45°. Il n’y a pas moyen de cultiver. Faute de moyens suffisants, les femmes et hommes valides n’ont souvent pas d’autre choix que de quitter leur village pour aller travailler dans des fours à briques où les conditions s’apparentent à de l’esclavage moderne.
Au début, nous étions en train de chercher ce que nous pourrions faire pour gagner de l’argent en dehors de la saison de récolte. L’idée nous est soudain apparue clairement : ce qu’on sait faire, c’est des briques ! On a décidé de se lancer dans la construction de briques ici, dans notre village
Fulma, trésorière du self-help group
Avec le soutien de la coopérative Pratima, les femmes démarrent leurs activités. Elles cherchent ensuite des opportunités de vente. Un programme gouvernemental de construction de maisons achète toute la production mais demande un délai d’attente pour le paiement. Au bout de 3 mois, le gouvernement paie, ajoutant même un supplément. Les femmes décident de consacrer ce montant à l’achat de saris jaunes qu’elles portent désormais fièrement : “c’est un symbole de notre force et de notre capacité à gérer ensemble des activités économiques. On nous surnomme le “yellow gang”.
Fulma explique de quelle façon le self help group a changé son rapport à ses proches : “Il y a 5 ans, je ressentais déjà ma force et j’avais plein d’envies mais je ne pouvais pas participer comme je le voulais aux décisions importantes de ma famille. Même ce que je portais comme vêtement était décidé par mon mari. Mon rôle se limitait à travailler dans les champs et à m’occuper de nos 3 enfants. Aujourd’hui, si mon mari a besoin d’argent pour acheter des semences, il se tourne vers moi et me demande si mon groupe peut l’aider, peut nous aider à améliorer nos activités agricoles. Décembre 2017.
Le soir, le foyer de Fulma n’est éclairé que par une lampe solaire, achetée pour pouvoir suivre les devoirs de ses enfants. “Avec le groupe, on est déjà allées 4 fois au département local qui fournit l’électricité en leur demandant de faire quelque chose pour nous mais ça n’a pas encore abouti. On est sans doute un trop petit village. La plupart du temps, on n’y pense pas trop, sauf quand on va ailleurs et qu’on voit la TV ou l’eau fraîche du frigo”.