Hussein, joueur de luth oriental, quitte l’Irak par la «route des migrants» (Turquie, Grèce, Macédoine, Hongrie, Serbie, Autriche, Allemagne). Il arrive à Bruxelles pendant l’été 2015 et se retrouve au parc Maximilien. Une importante mobilisation citoyenne s’est mise en place pour améliorer les conditions d’accueil des personnes qui dorment dans le parc en attendant de pouvoir introduire une demande d’asile. Dès son deuxième jour en Belgique, Hussein rejoint les bénévoles: «J’ai vu plein d’Européens aider et j’ai eu envie de faire partie de ce mouvement.» Il obtient une place dans un centre d’accueil de Fedasil près de Ciney.
Obtenant un statut de réfugié, Hussein retourne vivre à Bruxelles et prend part à des projets artistiques, dont celui de Muziekpublique «Refugees for refugees». Il intègre une tournée de concerts et participe à l’enregistrement d’un CD qui rassemble des virtuoses venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan et du Tibet. Hussein porte la profonde conviction que la migration est une chance lorsqu’elle permet la rencontre entre des êtres humains ouverts les uns aux autres. Il aime profondément découvrir et apprendre des autres. Ses nombreux sourires appuient sa pensée: la confiance, la générosité, l’engagement sont des clés. «C’est un peu comme si tu étais à une fête. Tu peux choisir de danser avec les autres ou de rester dans ton coin.»
Hussein apprécie Bruxelles et le dynamisme culturel qui y règne. Selon lui, l’éducation et la culture sont les piliers d’une société. Ce sont des moyens d’offrir à chacun un espace d’expression et de réalisation de son potentiel. Sa musique, Hussein désire la mettre au service de rencontres.
Depuis 2016, il rassemble autour de lui des artistes de différentes tendances (classique, jazz, traditionnelle) pour monter son propre projet «Nawaris»: «Mouettes» en arabe. Un symbole qui fait référence à un monde où les hommes pourraient eux-aussi traverser les mers pour se rapprocher de leurs rêves sans se soucier des frontières. «Je pense que la musique peut changer beaucoup de choses et rapprocher les gens», souligne Hussein. Le 22 mars, il est allé jouer du luth à la bourse de Bruxelles. «Quelqu’un m’a filmé et a partagé la séquence qui a été vue par des milliers de personnes. Je n’ai pas particulièrement bien joué ce jour-là mais ce moment, ce message, a ému pas mal de monde. Peut-être aussi que ça a changé certains points de vue.»
C’est aussi grâce à la musique qu’Hussein vit une belle histoire d’amour avec Juliette, une violoncelliste bordelaise qui l’a rejoint dans l’aventure «Nawaris». Elle raconte: «Nous étions tous les deux à une fête et nous avons joué de la musique ensemble. C’est ce qui nous a connectés.» Elle ajoute, le sourire aux lèvres: «Mes années d’école en anglais étaient bien loin mais j’ai été très motivée pour réapprendre à parler rapidement.» Hussein aimerait pouvoir faire des projets musicaux en Irak mais la situation est encore trop difficile et imprévisible. «C’est une zone pleine d’intérêts stratégiques. La guerre est un business qui a détruit tant de rêves et d’opportunités.» En Belgique, Hussein se sent libre et veut contribuer à cultiver la démocratie en prenant part activement à cette société plurielle et ouverte.
Photographies réalisées par PAUWELS Frederic
Interview réalisé par DERENNE Laure
Janvier 2017