« “La plus belle chose d’une amitié, ce n’est pas la main tendue, le sourire amical ou le contact humain, mais le sentiment réconfortant d’avoir quelqu’un qui croit en nous et qui nous donne sa confiance”. Ralf Waldo Emerson.
Ces mots qui transcendent les cultures ont été tracés au 19e siècle et, sans avoir jamais lu Emerson, deux heures après que j’aie médité cette citation, alors que nous arrivons à Genk, au Limbourg, Christophe les exprime à sa façon. Il passe en revue les images de Virginie, la photographe, dont, à la longue, il ne réalisait même plus la présence, lors du long reportage. La jeune femme était comme son ombre portée. Rassurante. Spontanément, il évoque la confiance que procure le sport, le support des copains, l’émulation.
A la descente de l’autoroute, ce soir-là, rien du paysage de Genk ne se laissait deviner, hormis les lumières éclairant les maisons de l’intérieur, ainsi mille petits théâtres dont jamais on ne connaîtra les acteurs. Tout en haut, entre les nuages, la pleine lune diffusait une lumière brumeuse sur le quartier où vit Christophe, 25 ans, médaille d’argent à Anvers avec l’équipe des Red Devils alignée aux Summer Games. Quasi en parallèle de l’équipe nationale qui se couvrait de gloire au Brésil, il jouait les matches de sa vie en Belgique.
Au rez-de-chaussée d’un immeuble situé face au parc boisé où Christophe court et s’assouplit, l’appartement est meublé par l’écran géant de la télé qui révèle une passion pour les images, le cinéma et les jeux vidéo. L’athlète, quand il ne foule pas la pelouse, est un virtuose des play station anciennes, archéologue d’une culture qui progresse à la vitesse d’un riff des Rolling Stones.
Hasselt, Belgique: Au moins 15 jours avant la reprises officielle des entraînements de foot, Christophe s’entraîne régulièrement dans le parc en face de chez lui. Il travaillle essentiellement sa condition physique. Août 2014. Hasselt, Belgique: Christophe s’entraîne à coté de chez lui a faire des exercices physiques. Août 2014. Hasselt, Belgique: tous les soirs, Christophe lit ses emails et discute sur Facebook. Juillet 2014.
Amateur d’histoires fortes, il privilégie les films d’horreur et les drames. Le naufrage du “Titanic” l’amène à réfléchir à la fragilité des apparences et de la gloire. Considéré comme insubmersible le grand paquebot a sombré, malgré les grands discours inauguraux. Il en reste une légende tragique et le film de James Cameron, vu et revu par le footballer.
A force de déchiffrer les sous-titres de films, il a assimilé l’anglais. Cette volonté d’apprendre est un trait marquant de la personnalité de Christophe. Grand, baraqué, rapide sur le terrain malgré son gabarit, il n’est jamais aussi à l’aise qu’en compagnie de ses amis du foot, à Diepenbeek. Du boulot aux entraînements, en passant par les loisirs, les photos de Virginie cadrent ses journées. On le suit en compagnie de Catherine, sa copine, lors de leurs balades du dimanche. Viennent les heures de gloire d’Anvers. Sublimes. Celle où il laisse éclater sa joie, après la médaille d’argent, même si le dernier match, contre la Serbie, fut une défaite, car la victoire face aux Pays-Bas restera ancrée dans sa mémoire. Les Reds se seront battus comme des lions.
Christophe et Katrien devant la maison de chez Katrien accompagné de son chien. Christophe a rencontré sa petite amie, Katrien, il y a 5 ans à l’école. Depuis, ils essaient de se voir toutes les semaines à travers leur travail et occupations respectifves. Ici ils s’embrassent dans le salon de Katrien.
Enfant, Christophe jouait au foot dans le quartier, avec ses voisins. Quand il voulut s’inscrire dans un club, il se heurta à des réticences et se senti jugé, discriminé. Une question d’assurance, paraît-il, l’aurait empêché de participer aux compétitions du calendrier. Même si la motivation du rejet était administrative, c’était cruel. Loin de renoncer, il se tourna vers le sport adapté. Mû par une constante volonté de s’élever, il s’investit dans une équipe, pour se dépasser, prouver ce dont il était capable. Avec panache…
A Diepenbeek, le jeudi, il s’entraîne une heure et quart en commençant par un échauffement qui le régénère, l’amène à se sentir vivre plus fort. Supporter fidèle du Racing Genk, il participe quand il peut aux déplacements et manquera rarement les matches à domicile.
Quand il parle de son sport, le football, il évoque la notion de respect. Des règles du jeu, des autres, celles du vivre ensemble, du fair-play qui met de l’huile dans les rouages sociaux. Au travail, il applique ces principes. Christophe fait partie des ouvriers qui entretiennent les espaces verts de Genk. La ville déploie des efforts pour mériter le label de “green city”, attirer des visiteurs. A la frontière des Pays-Bas, la région a des charmes inattendus. Comme toujours, il faut franchir la barrière des clichés pour percevoir la beauté cachée. Christophe croit au travail, qui vous sort de votre cocon, vous relie au monde, aux gens. Quand il coupe les haies, tond les pelouses, en accord avec lui-même, il a conscience d’embellir sa ville.
Hasselt, Belgique: Tous les jours, Christophe travaille pour Bewel. Entouré d’une équipe d’une dizaine de travailleurs, il s’occupe d’entretenir les espaces verts et les rue d’Hasselts et de Genk. Juillet 2014. Hasselt, Belgique: Christophe travaille comme jardinier pour Bewel, une entreprise qui n’emploie que des personnes handicapées et à problèmes psychologiques. Ici Christopher jardin dans un parking de Hasselt. Juillet 2014.
Christophe, par la fenêtre, contemple le parc devant chez lui, lève les yeux vers l’astre de la nuit. Voyager dans l’espace, ce sera pour quand? De nouveaux horizons s’ouvrent. L’évolution du monde le fascine. A 25 ans, il entend être de son époque. C’est ce qui le pousse à préparer les Jeux Special Olympics de Los Angeles. Cette perspective lui donne envie de s’adresser aux personnes qui s’intéressent à son parcours, ont découvert son portrait dans les journaux, le félicitent parfois, en rue. Il insiste sur le fait d’être membre d’une équipe, apprécie la fraternité du football. Dans la vie, il en faudrait plus…”Dites-vous bien que si vous éprouvez des difficultés à vous sentir différent, il n’y a pas de raison de ressentir de honte. J’ai appris à m’accepter comme je suis et à consentir des efforts pour progresser. J’apprécie la vie. Il faut croire en soi pour croire aux autres”.