Bassel est violoniste. En 2015, dans une Syrie en guerre, il fonde le projet Qotob. Avec trois amis, il compose un album pour montrer au monde que Damas est encore vivante. En août, il doit quitter son pays. Alors qu’il s’était imaginé rejoindre une Europe «des droits de l’Homme», Bassel se voit empêtré dans une longue procédure de demande d’asile. Sa vie est comme «suspendue».
Il loge dans un centre d’accueil qu’il compare à «une prison au milieu de nulle part». Bassel sait que ça peut paraître ingrat mais souligne qu’il n’a pas choisi de devenir un réfugié et qu’il s’est senti mal considéré. Il est finalement accueilli par une famille pendant un an.
Aujourd’hui, Bassel loue un appartement et retrouve un peu de stabilité. Avant ça, il y avait toujours un problème à résoudre: survivre, partir, obtenir des papiers, trouver un logement et un travail, apprendre le néerlandais, etc. Bassel s’est toujours concentré sur son avenir. À 20 ans, il fait un maximum pour assurer son indépendance financière: «Je sais ce que je veux faire et mon parcours m’a rendu encore plus déterminé. Je suis heureux de ce que j’ai déjà pu accomplir comme le fait de jouer à l’Ancienne Belgique ou dans des festivals connus.» D’un autre côté, Bassel pense plus souvent à son passé et des souvenirs traumatisants ressurgissent: « J’avais 14 ans quand la guerre a commencé. Je vivais dans un petit quartier qui a été frappé par 25 voitures piégées et 3200 roquettes en cinq ans. Au début, c’est effrayant et puis tu t’habitues. Il y a des jours où tu es sous pression, tu dois trouver de quoi manger, protéger les tiens. Et puis, des jours où tu dis « Il y a encore eu une roquette. Et sinon, on fait quoi ce soir? On joue aux cartes? » En fait, ta vie ne tient qu’à un fil. Si tu survis tel jour, c’est juste parce qu’un ami t’a arrêté un moment en rue pour causer un peu. Ou parce que tu as pris un peu plus de temps que d’habitude pour t’habiller.»
Aujourd’hui, Bassel sent qu’il a besoin d’être plus souvent seul. «Il y a des jours où je n’arrive pas à trouver l’énergie de me lever.» Face à ce tourbillon émotionnel, il tente de se fixer des objectifs simples et progressifs. Bassel témoigne de son parcours mais reste assez pessimiste. «J’apprécie toutes les initiatives qui tendent vers plus d’humanité. Ça peut changer des vies, ça a changé la mienne. Si cette expo peut susciter des réflexions, tant mieux. Ça rendra les choses meilleures. Ou moins mauvaises.» Ce qu’il aurait à dire au secrétaire d’État à l’Asile et la Migration? Un peu désabusé, Bassel ne se sent pas l’âme d’un porte-parole. Mais il répond avec un sourire : «Si je rencontrais Théo, je lui offrirais mon CD. J’espère que ça lui apportera un peu de joie. Peut-être même qu’il se dira: “Ça déchire, ce Bassel assure grave !”»
Photographies réalisées par DE TESSIERES Johanna
Interview réalisé par DERENNE Laure
Janvier 2017