Rita et Julie son inséparables, elles se retrouvent lors des compétitions mais l’éloignement ne leur permet pas de se croiser aussi souvent qu’elles l’aimeraient. Il arrive, ainsi à Anvers, que les deux amies doivent s’affronter et elles livrent alors leur match en se disant que la plus vive, ce jour-là, l’emportera. Fair-play. L’essentiel n’est pas dans la victoire mais dans l’harmonie elle pratique le judo, s’engage de toutes ses forces, comme tout athlète de haut niveau, en s’imprégnant des conseils de Claude Améri, son professeur. Elle s’attache à enchaîner ses mouvements selon une mécanique fluide. Un exercice qui demande de la volonté et de la persévérance. L’effort permet de sortir de soi. De vivre l’instant. Du judo, son inventeur, Jigoro Kano, a écrit ceci, traduction non garantie, esprit, oui…“On ne juge pas un homme au nombre de fois où il tombe mais au nombre de fois où il se relève”.
Le judo part du principe de la technique supérieure qui dépasse la force. D’où l’image du cerisier qui casse sous le poids de la neige et du saule qui se déleste de son fardeau pour se redresser grâce à sa souplesse. La légende prend son sens, illustre l’idée. Julie incarne cette approche du monde. Elle prend du temps pour se perfectionner.
Espiègle et grave, Julie exprime des émotions fugitives sous forme de sourires éclairant un visage qui a de la grâce. Sa joie de vivre est communicative. Du judo, qu’elle pratique depuis vingt ans, avec une prédilection pour les prises au sol, elle maîtrise toutes les clés, apprises par cœur, avec patience et persévérance. Chaque mouvement est imprimé dans sa mémoire et son corps. La course, l’échauffement, les entraînements sur le tatami lui donnent des ailes, au point qu’elle ne ressente guère la fatigue.
Parfois, il faut freiner Julie qui, chaque vendredi et samedi soir, se rend au Judo-Club de Wellin, rendez-vous majeur. Quand elle participe à une compétition, elle se lève tôt, ne semble pas nerveuse mais ce n’est qu’apparence. Elle parvient à dominer le trac et affiche une sérénité devenue trait de caractère. L’essence même du judo, la souplesse devant les événements, pour ne pas craquer: un mode de vie.
De nombreux supporters, attachés à sa manière de lutter sans jamais se décourager, l’entourent. Populaire, elle suscite la sympathie. Consciente des résultats de ses efforts, elle apprend tous les jours et sait que, demain, elle fera mieux. Cette conduite, elle l’applique au quotidien. Elle aide sa maman dans la conduite de la maison, excelle dans le repassage des vêtements, prépare les repas, avec une prédilection pour les spaghettis bolognaise, participe aux tâches de la demeure, bricole volontiers.
A Forzée, elle fait partie du Petit Théâtre de la Grande Vie dont elle est une figure emblématique. Tous les quinze jours, en tant que volontaire, elle participe à l’administration de l’association. Au Petit Théâtre, les gens du coin et de passage se croisent, anciens, jeunes, personnes handicapées. Tout qui frappe à la porte est accueilli. Le projet repose sur la création du lien social, dans le mélange de la musique, d’ateliers, de l’alimentation équilibrée, de l’éducation permanente.
Une fois par an, la Fête de la Bête à Mille Pattes, le lundi de Pentecôte, brasse les publics dans le village, avec des concerts, des jeux pour les enfants, une brocante et des animations. L’hymne de cette fête résume l’ambiance multiculturelle…
“Que l’on soit blanc ou noir, vert ou écarlate/Sur la scène de nos rencontres un arc-en-ciel éclate/Qu’on soit unijambiste ou même cul-de-jatte/ Quand on est tous ensemble on devient la bête à mille pattes”.
Avec une légitime fierté, Julie dispose sur la table de la salle à manger une kyrielle de médailles et de coupes. La plus grande, celle qui s’orne d’un élément de mappemonde, lui a été décernée à Saint-Pétersbourg. De la mythique ville traversée par la Néva, elle a retenu les perspectives immenses et gardé les échos de compétitions permettant de rencontrer d’autres passionnés. Elle espère qu’elle aura un peu de temps, lors des prochains Jeux Special Olympics, pour se frotter à la réalité de Los Angeles, fouler le sable des plages du Pacifique et Hollywood Boulevard, dont le trottoir s’orne de l’empreinte des étoiles de films mythiques. A Anvers, elle a admiré, en la cathédrale, les triptyques de Pierre-Paul Rubens.
La plus grande supportrice de Julie c’est sa maman, Thérese qui l’encourage et l’accompagne à chacune de ses compétitions. A la maison, comme dans le sport entraide et discipline sont de mises.
Texte de Marcel Leroy.